Tout le monde a déjà vu les images du but de la main de Diego Maradona en quart de finale de la coupe du monde 1986 contre l’Angleterre. Un but à la classe inversement proportionnelle à celle, balle au pied, du pibe de oro, et qui mit fin aux espoirs anglais. La célébrissime « main de Dieu ». On ignore si le petit argentin toujours aussi libre dans sa tête qui aime depuis sniff… euh longer les lignes en tant que sélectionneur fait partie des idoles du très français Thierry Henry. Mais ce dernier est réputé fin connaisseur du football et de son Histoire, et n’importe quel amateur de foot connaît les exploits d’un des deux plus grands joueurs de tous les temps (le débat court toujours entre le Roi Pelé et son rival de l’albiceleste).
Henry, donc, ou Titi, pour les intimes, s’est soudain souvenu de ce fait d’arme ce mercredi, en match de barrage pour les qualifications à la coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, lors de la première prolongation. Le vaillant adversaire irlandais qui accusait un retard d’un but avant ce match, avait méritoirement remis les comptes à zéro en première période, dans un stade de France bondé de français assistant au déclin de leurs bleus, auteurs d’un match fade et indigne d’une grande nation du foot. Le public, qui réclame depuis longtemps la tête du sélectionneur Domenech et le fit bien savoir à chaque changement, était encore loin de se douter de l’épilogue de ce duel à l’enjeu énorme. En effet, s’il était légitime de se montrer mécontent au vu de la performance de son équipe nationale, la laideur n’était due qu’à l’absence de jeu et de couilles des hexagonaux, à l’inverse de l’équipe britannique qui fit montre d’une envie débordante de réaliser l’exploit qu’espérait toute une nation. Avec ses qualités, l’Irlande a bousculé la France. Premiers sur tout les ballons, les verts ont affiché une hargne digne de leurs ancêtres guerriers celtes. L’équipe qui voulait le plus le ballon et la victoire était bien la petite Eire, et ça, tout le monde le reconnaît, même les commentateurs français !
On se dirigeait donc, après plusieurs occasions manquées de tuer le match par les Irish (Ah… Robbie Keane n’est finalement qu’un ancien Red de Liverpool, ça prédispose à la lose, évidemment), vers une séance dantesque de penalties, dans un suspense insoutenable, opposant deux excellents gardiens de but. Mais notre ami Henry, vainqueur d’une coupe de monde et d’une coupe d’Europe des nations avec la France, d’un triplé Ligue des Champions – Liga - Copa del Rey avec le Barça, et de plusieurs titres en Angleterre avec les Gunners d’Arsenal, idole de nombreux enfants, a décidé de laisser comme souvenir marquant de sa brillante carrière autre chose, un truc plus original qu’une vitrine pleine de trophées, qu’un DVD plein de buts magnifiques… Un truc plus… Maradonesque. En bon capitaine qu’il est, sentant son équipe aux portes d’une élimination inimaginable, super Titi a pris le ballon avec sa divine main, tel Michael Jordan, avant de l’offrir à Gallas qui n’avait plus qu’à le pousser dans le but pour libérer toute un pays qui portera longtemps la honte d’une telle calomnie et qui aura désormais un nouvel oignon à Pelé avec un nouvel ami, de l’autre côté de la Manche.
Le public et les commentateurs tricolores ont d’abord exulté suite au but inespéré de ses protégés, mais une fois que les ralentis ont parlé, le malaise était perceptible. Certains ont bien fanfaronné, comme les joueurs et leur entraîneur, le président Sarko ou le président de la fédération française de football, s’étonnant presque de la réaction des irlandais, fous furieux. Heureusement, la France ne compte pas que des imbéciles. Jean-Michel Larqué fut le premier à sous-entendre qu’il n’y avait pas de quoi la ramener après un match et un but aussi pourris, ne retenant que la qualification. Mais le plus honnête était un ancien joueur, ex-collègue de Titi le m(a)inable en équipe de France et tout aussi titré, mais avec une classe toute autre. Ce monsieur, Bixente Lizarazu, aujourd’hui consultant sur TF1 et animateur d’une émission de foot à la radio, a qualifié ce match de honteux et souligné les faiblesses dans le jeu et dans la mentalité des ses compatriotes, tout en louant la performance et la volonté des irlandais logiquement outrés et anéantis de passer de telle manière à côté d’un rêve qu’ils ont caressé du bout des doigts, comme Henry a caressé la balle des siens, pendant de longues minutes.
Les réactions ont fusé depuis lors, Dechavanne, invité au Grand Journal de Canal, se déclarant outré et désolé d’être français. Il serait intéressant d’avoir l’avis de Michel Platini, grand chef de l’UEFA et légende du football, mais il est étonnamment aux abonnés absents. Lui qui prône un football plus équitable pour tous, lui qui ne veut pas entendre parler de la vidéo dans le foot. Mr Platini, demandez donc au peuple irlandais l’intérêt d’une telle évolution. Bien sûr, le foot doit rester un sport d’hommes, arbitré par des hommes, mais le recours à la video n’est pas un aveu de faiblesse, le foot a tellement changé ces dernières années, tout va plus vite, et les joueurs sont de plus en plus truqueurs… Les enjeux sont trop importants. S’arrêter 20 secondes pour consulter les images n’est-il pas moins préjudiciable que de mettre fin à deux lourdes années de campagne qualificative qui prennent fin à la 103ème minute d’un match de barrage, sur un but invalide ? Un autre sport collectif difficile à arbitrer, le rugby, a sauté le pas il y a déjà plusieurs années et s’en félicite. Pourquoi le sport roi se borne-t-il à ignorer ce soutien technique de plus en plus indispensable ?
Quel exemple pour la jeunesse, voyant une idole du ballon rond supposée donner l’exemple prendre le ballon de la main pour s’offrir un ticket pour la plus prestigieuse des compétitions ? Que dira-t-on au gamin qui ce week-end fera la même chose que la star française ? Mes idoles à moi se nomment Cantona, Giggs, Roy Keane, Rooney, Ronaldinho, Messi… Et s’ils sont loin d’être parfaits (hormis Sir Ryan Giggs), je sais que jamais ils n’auraient commis un tel geste, question de mentalité, sans doute. Malheureusement pour les enfants, peu partagent mes excellents goûts...
Quand à toi Thierry, toi la star qui n’as jamais eu le ballon d’or, laisse moi lancer une pétition pour que te soit remise une nouvelle récompense : la main en or, récompensant le joueur le plus malhonnête de l’année (ça va se bousculer au portillon). J’imagine déjà le design ; la main fermée, à l’exception du majeur que t’adressent pour les années à venir quatre millions et demi d’irlandais, et bien plus encore d’amateurs de football à travers le monde que ton geste a dégoûté.